Les premières connaissances occidentales

Vers l’an 1000

Au début du second millénaire, l’Europe commence à sentir un vent nouveau, un air chargé par les parfums de l’orient. Par l’Espagne, le savoir raffiné des Arabes et la culture cosmopolite et universelle nous parvient pour revitaliser l’engourdissement cérébral des européens ayant subit un millénaire d’obscurantisme (matérialisme philosophique  et anthropomorphisme religieux).

Guido d’Arezzo (990-1050)

De ce que l’on sait en occident, pour nommer les notes musicales, les grecs (pythagoriciens) utilisaient les premières lettres de l’alphabet ionien et pour eux, la gamme s’organisait de manière descendante.  Tout comme les romains qui, copiant la culture hellénique, faisaient de même pour nommer les notes en utilisant leur propre alphabet. Au Ve siècle ap. J.-C., Boèce considérait une gamme de quinze notes c’est-à-dire deux octaves sans tenir compte de l’effet cyclique de l’octave. Ensuite la nomenclature dite allemande et anglaise tenait compte du rapport cyclique de l’octave en utilisant une lettre majuscule (A-G) pour les sept notes de l’octave principale et une autre lettre minuscule pour l’octave suivante (a-g). Puis les sept notes qui correspondent aux touches blanches du piano reçurent un nom précis alors que les cinq autres sons (touches noires) furent nommés plus tard dès l’apparition des concepts de « bémol, bécarre et dièse ».

C’est au XIe siècle que le moine toscan Guido d’Arezzo conçoit des méthodes mnémotechniques pour les interprètes comme pour ranger les notes dans un ordre alphabétique suivant un parcours sur la main. Chaque note fut donc rebaptisée selon la première syllabe des vers d’un hymne en hommage à Saint Jean-Baptiste :

  • Ut queant laxis,
  • Resonare fibris,
  • Mira gestorum,
  • Famuli tuorum,
  • Solve polluti,
  • Labii reatum
  • Sancte Iohannes.

Après avoir changé le Ut en Do, on obtient la gamme utilisée en Europe. Guido d’Azerro trouva donc une nouvelle façon de noter et de solfier la musique qui facilita son apprentissage. Et c’est à cette époque que l’harmonie commence à se faire connaître et que naquit ce qu’on appelle le contrepoint {Ecriture musicale en utilisant la superposition organisée de ligne mélodique}.

L’Europe vient de passer 1000 ans dans l’ignorance et l’abrutissement causé par les délires divinement matérialistes des premiers chrétiens… Mais empruntant à A. F. d’Olivet ses convictions les plus profondes : « la musique ne put sortir de son engourdissement que lorsqu’une étincelle de génie (couvant), perçant la nuit profonde qui couvrait l’Europe, on vit descendre du chant des montagnes Occitaniennes, les premiers poètes et les premiers chanteurs modernes. C’est aux troubadours qu’on doit la renaissance de la musique ». En Occitanie, les troubadours ont adoucie l’âpreté des mœurs féodales pendant 300 ans du XIe au XIVe siècle. L’Europe connaît un renouveau par la réforme de Luther, la re-découverte de l’Amérique et de l’imprimerie…

Quelques alchimistes occidentaux

C’est donc bien en Espagne que les docteurs et autres alchimistes latins s’instruiront auprès de maîtres islamiques pour découvrir avec eux le bismuth, les sels arsénieux, le chlorure d’antimoine et les réactions de précipitations.

C’est vrai qu’avec ces exemples de livres provenant tous, en quelques sortes, du fameux papyrus de Thèbes, on pense à l’Alchimie comme à une fumisterie. Mais il en est autrement lorsque l’on regarde, avec courage et sans apriori, les différents ouvrages hermétiques qui composent le corpus alchimique. Et puis, des Alchimistes illustres comme R. Bacon, par exemple, qui a redécouvert (après les chinois) la poudre explosive et citons les écrits d’Albert le Grand, de Raimond Lulle, d’Arnaud de Villeneuve, de Nicolas Flamel, de Basile Valentin, de Paracelse… qui sont pleins de sagesse et d’approche novatrice dans « l’art de la connaissance scientifique ».

Albert le Grand (1193- 1280)

Professeur à la Sorbonne. Il a étudié l’action de l’acide nitrique (HNO3) sur les métaux et le dégagement caractéristique d’un gaz de couleur roux : le dioxyde d’azote (N02). Il a préparé également des sels de soude (NaOH) et de potasse (KOH), analysé les vapeurs d’arsenic et d’antimoine. Albert le Grand est considéré comme un scientifique à part entière, il considérait l’unité de la matière et il disait que « dans leur essence, tous les corps sont semblables, ne différent les uns des autres que par leurs formes ». Cette idée est une anticipation de la notion d’atome ou de particule élémentaire identique pour tous les éléments chimiques qui tombent sous nos sens.

Roger Bacon (1214-1294)

Il a réinventé la poudre à canon et démontré que « l’air est l’aliment du feu » c’est (en partie) le comburant à toute combustion. Cette compréhension des phénomènes de combustion conduira plus tard les chimistes à découvrir le dioxygène.

{voir DS p 833 – protyle}

Roger Bacon traduit de l’Arabe et commente Secretum Secrtorum qui comprend la Table d’Émeraude d’Hermès Trismégiste : {à faire…}

Thomas d’Aquin (1225-1274)

C’est l’auteur du Traité de la Pierre Philosophale. Cette pierre là est à la base d’un raisonnement alchimiste qui consiste à réaliser le Grand Œuvre. Il s’agit en fait de transformer la matière en séparant le « subtil de l’épais » pour atteindre la quintessence immanente de toute chose. La Pierre est symboliquement cubique pour associer le chiffre 4 à toute matérialisation de l’esprit. Pour l’alchimiste, les livres ne sont utiles qu’au débutant, mais ensuite, la solitude, le dénuement et l’assiduité expérimentale sont nécessaires pour atteindre le but escompté c’est-à-dire le Grand Œuvre. Thomas d’Aquin émis une hypothèse fausse (qui fit grand bruit) que le mercure était la « materia prima » d’Aristote.

Raymond Lulle (1236-1315)

Il prétend avoir réalisé le Grand Œuvre alors qu’il était emprisonné à Londres. Pour certains, cela n’est pas très sérieux, mais il faut comprendre que le Grand Œuvre n’est pas seulement la fabrication chimique/matérielle d’une Pierre Philosophale mais c’est surtout la transformation de soi en Soi par la compréhension phénoménologique des transformations de la matière. Un alchimiste attire les convoitises puisqu’il peut rendre « riche en or » n’importe qui. Il peut donc être protégé en stimulant l’avidité de ses protecteurs. Mais l’importance finale d’un alchimiste est la « richesse intérieure » c’est à dire selon les termes de l’époque : la spiritualisation de sa matière corporelle.

{img du squelette en prière}

Outre cela, Raymond Lulle a travaillé sur les sels de plomb et sur le minium (le Lion Rouge). En cherchant la Pierre Philosophale par la voie humide, il a grandement amélioré les méthodes de distillation et il a, selon J.-B. Dumas, « fixé l’attention sur les produits volatils de la décomposition des corps ».

Philippe de VITRY (1291-1361)

Une nouvelle forme d’écriture de la musique…

Nicolas Flamel (1330-1418)

Il prétend avoir fabriqué une demi-livre d’argent très pur le 17 janvier 1382. La même année, le 25 avril à 5 heure du matin, il aurait réussit la transmutation du mercure en or pur. Basile Valentin (XV° siècle) publia divers ouvrages : L’Apocalypse chymique, l’Azoth des Philosophes, Le Char triomphal de l’antimoine. Dans ses travaux sur l’antimoine et sur le grillage des pyrites, il révèle une méthodologie scientifique de haut niveau et un véritable « esprit scientifique ». Il nommé « esprit de mercure » le gaz qui se dégagé lorsqu’il chauffait de l’oxyde de mercure.

Paracelse (1493-1541)

Son vrai nom était Théophraste Bombast de Hohenheim. Médecin de formation, il déchira son diplôme au cours d’une discussion animée avec ses pères de l’Académie. Il poursuivit son chemin, seul, mais déterminé à montrer que les remèdes se trouvent dans la nature et dans les analogies nécessaires et le couplage avec les influences planétaires. Astrologue confirmé, il est à la base de la médecine spagyrique.

 Georg Agricola (1494-1555)

Spécialisé dans la métallurgie, il publia De re metallica un véritable ouvrage d’ingénierie dans lequel il décrit les filons métallifères, les appareils à utiliser pour les exploiter, le traitement et la réduction des minerais, l’affinage des métaux ainsi que les différents sels obtenus par évaporation des eaux naturelles. Ce bréviaire contient naturellement pour l’époque des incantations et autres superstitions pour aider les mineurs à traverser, en toute sécurité, et dans le respect des « esprits souterrains » les galeries de la mine. Le scientifique rationnel critique, à tord, cet état de fait à l’époque car n’oublions pas le contexte politique voire « sacrément » autoritaire de l’inquisition catholique.

Jean Baptiste Van Helmont (1577-1644)

{Elève de Paracelse} Il s’est attaqué aux conceptions d’Aristote en déclarant que « le feu n’est ni un élément ni une substance. » Il a inventé le terme « gaz » à partir du mot grec chaos car il a expérimenté de nombreuses expériences permettant de former des gaz comme le « gaz carbonum, le gaz pingue, le gaz sylvester… ». Il a réalisé ce qu’on appelait en son temps : « la plus belle expérience de transmutation » puisqu’en plongeant du fer dans du vitriol bleu (le sulfate de cuivre Cu2+ ; SO42-) il obtenait du cuivre. Ainsi est-il obtenu la transformation du fer en cuivre ce qu’on nomme maintenant une réaction d’oxydoréduction, d’équation :

Fe(s) + Cu2+ = Fe2+ + Cu(s)

Van Helmont était également un mystique catholique qui insistait sur le fait qu’une vérité scientifique devait être conforme aux enseignements bibliques.

Articulation entre deux mondes : L’alchimie et la Chimie moderne

En chimie, le XVII° siècle sonne le glas d’une confusion entre le mysticisme et l’approche rationnelle de la science. La révolution de la physique et les approches galiléennes de l’étude des corps en mécanique, de la composition des vitesses, de la théorie héliocentrique remis au goût du jour et surtout de l’insistance conceptuelle pour les nouvelles lois physiques : la formalisation mathématique doit être à la base du langage scientifique.

Les chimistes comme Bruno et Sennert (1572-1637) retrouvent l’origine du raisonnement de Démocrite et Sennert déclare que toutes les substances corruptibles doivent se composer de corps simples « dont elles proviennent et dans lesquels elles se résolvent ». Ces corps simples ne sont pas des abstractions mathématiques comme pouvait le considérer Pythagore, mais des quantités physiques et donc des atomes. Les sciences de la matière deviennent « quantitative » et des mesures qui vont en résulter, les scientifiques font découvrir les « lois cartésiennes et classiques de la matière ».