Descartes René du Perron (1596-1650)

Il est né à la Haye (Indre et Loire-Touraine), il est le créateur de la géométrie analytique (repère cartésien, coordonnées cartésiennes[1], courbe et équation)… En physique, il essayait d’expliquer les effets (expérimentalement observés) en les déduisant des causes théoriques (formalisation mathématique). Le principe de causalité est né d’un point de vue analytique car Aristote dans « Physique » le considère déjà avec fermeté. Descartes va cadrer (formaliser, limiter) le raisonnement des physiciens pendant trois cent ans. Juste le temps pour trouver des faits qui en détrône la validité. Les conséquences cognitives du principe de causalité sont :

  •      la linéarité de l’écoulement du temps,
  •      le découplage de l’espace et du temps,
  •      la rigidité des déductions logiques…

Les fondements des structures cartésiennes sont considérés de nos jours comme « des approximations » d’un modèle théorique plus complet : relativité restreinte et/ou superposition des fonctions d’onde en mécanique quantique – Le chat de Schrödinger.

REGLE XII pour la direction de l’esprit : « Enfin il faut se servir de tous les secours qu’on peut tirer de l’entendement , de l’imagination, des sens et de la mémoire, soit pour avoir l’intuition distincte des propositions simples (axiomes), soit pour bien comparer les choses qu’on cherche avec celles qu’on connaît, afin de les découvrir, soit pour trouver les choses qui doivent être comparées entre elles, de telle sorte qu’on oublie aucun des moyens qui sont au pouvoir de l’homme. »

Cette règle ne concerne pas les principes de la physique classique qui prennent racines dans les œuvres de Descartes car l’imagination et l’intuition sont des processus cognitifs « non scientifiques » par définition. René Descartes représente aujourd’hui « le père du raisonnement cartésien » : Déduction analytique et systématique basée sur le principe de causalité. Il pensait également que le doute (sur une question posée) n’est pas un problème puisqu’il l’évite, ne le considère pas et il continue de manière linéaire son raisonnement sans tenir compte de cette « bifurcation » possible… La théorie mathématique du chaos invalide la position de Descartes et donc des grecs) sur la conception du doute, en formalisant la théorie des bifurcations dans la résolution des équations différentielles du second degré.

Le syllogisme grec permet de comprendre le principe de causalité comme reflet d’un raisonnement cognitif inscrit dans la déduction « logique » d’une suite d’évènements élémentaires : « A = B, B = C donc A = C ».

D’un point de vue épistémologique (étude critique des sciences), le principe de causalité se définie de la façon suivante : « une même cause produit toujours les mêmes effets ». Il existe également dans  ce principe, une notion qui précise l’orientation supposée de la « flèche du temps[2] ». Car, en toute logique, « l’effet » ne pas précéder la « cause » qui lui donne naissance. C’est un problème non résolu par la philosophie occidentale qui prolonge son raisonnement cartésien jusqu’au nihilisme. C’est aussi un problème bien connu en sciences physiques et chimiques et plus particulièrement en thermodynamique.

La mécanique quantique annihile le principe de causalité par une combinaison linéaire des fonctions d’onde (le chat est « à la fois mort et vivant ») qui représentent différents « états d’observables », leurs évolutions probables et la mesure (réduction du paquet d’onde) qui en perturbe (et réinitialise) l’état du système.

J’ai insisté sur les lacunes des méthodes de Descartes car les « non-scientifiques » actuels insistent trop sur le rationalisme et ils devraient se cultiver davantage en prenant connaissance du nouveau paradigme scientifique. Mais si on replace les efforts de Descartes dans son temps, il faut lui reconnaître en mathématique la géométrie analytique.

Néanmoins, Descartes a conceptualisé la « théorie des tourbillons » qui implique l’éther comme force motrice des mouvements planétaires. La théorie des mouvements tourbillonnaires fut vite remplacé par la gravitation, mais elle est repris par Maxwell en électromagnétisme, dans la théorie cinétique (des gaz), dans les idées sur la constitution des atomes et dans la formation des nébuleuses (disque d’accrétion).

Curieusement l’idée que se fait Descartes sur la lumière est assez particulière. Mais elle correspond à la « pensée unique » du XVIIe siècle en occident. Il faut dire qu’à l’époque, les cieux reflètent l’amalgame indigeste d’un catholicisme anthropomorphisé et d’un aristotélisme matérialisé. Dans le Discours Premier sur la Dioptrique, et à propos de la lumière, Descartes affirme qu’elle peut « étendre ses rayons en un instant, depuis le soleil jusqu’à nous : car vous savez que l’action, dont on meut l’un des bouts d’un bâton, doit ainsi passer en un instant jusques à l’autre, et qu’elle y devrait passer en même sorte, encore qu’il y aurait plus de distance qu’il n’y en a, depuis la terre jusques aux cieux ». Comment peut-on imaginer que la lumière se déplace instantanément c’est-à-dire que sa vitesse est infinie ? Deux explications à cela :

« Au commencement était le lumière » et « rien de nouveau sous le soleil » sont deux phrases mythiques de l’Ancien Testament qui, respectivement, divinise la lumière et place la Terre au centre de l’univers.

« La théorie des idées se perd dans les abstractions » cette phrase d’Aristote est prononcée pour se démarquer de Platon. Les conséquences peuvent être résumées par l’approche matérialiste de la connaissance humaine qui se termine de nos jours dans l’individualisme excessif.

C’est Römer qui découvre, moins d’un siècle plus tard, les limites de la lumière et qui estime, à 7 ou 8 minutes, la durée nécessaire pour que la lumière nous parvienne du soleil.

Au début de 1637 et par l’intermédiaire de Mersenne, Descartes demanda au Roi de France de publier son Discours de la méthode et ses trois Essais. Beaugrand était secrétaire du Chancelier et accessoirement, ami de Fermat. Sans ne rien dire à personne, il lui communique l’Essai Dioptrique. Mersenne apprenant cela, demande à Fermat de garder silence et de lui envoyer son point de vue après lecture. Puis avec l’élégance du discours d’un avocat, après avoir considéré les « belles figures » de Descartes, Fermat indique que les fondements sont absents : « j’appréhende que la vérité leur manque aussi bien que la preuve ». Le modèle de Descartes reposait sur des hypothèses non justifiées et des contradictions évidentes entre l’idée d’une propagation instantanée de la lumière et une vitesse de propagation dépendant du milieu dans lequel elle se déplace.

Selon moi, la contradiction provient de la scolastique pour le déplacement instantané de la lumière et de Snell pour les propriétés de la réfraction. Fermat ne comprenait pas non plus pourquoi la lumière se propage plus vite dans les milieux plus denses ; Et c’est normal car cette déduction de Descartes est fausse ; car on sait maintenant que c’est l’inverse, Descartes a certainement utilisé les propriétés du son qui était connues à l’époque et dont il reprit, visiblement, les déductions puisqu’un son se déplace d’autant plus vite que le milieu qui le propage est d’autant plus dense. Et c’est toute la question des interactions entre la matière et l’énergie. Seule la vision quantique, quantifiée et probabiliste permettra de trouver un point d’équilibre à la théorie.

[1] C’est un « espace vectoriel » de base, celui utilisé pour la mécanique classique et la notion de repère galiléen, il est enrichit par l’espace de Hilbert (théorème des résidus dans le plan complexe) et les notions d’espace non-euclidien (distorsion de l’espace-temps, somme des angles d’un triangle supérieur ou inférieur à 180 degrés…

[2] La science décrit la flèche du temps par le principe d’entropie qui montre qu’au cours de toutes transformations thermodynamiques (transfert d’énergie), l’entropie est toujours positive (phénomènes irréversibles). A partir de Boltzmann (théorie statistique),  les pertes inhérentes au système matériel conduisent à l’augmentation du « désordre » ;  concept repris dans la théorie de l’information (médiatiques et sociologiques). Ce concept de désordre conduit à la théorie de Shannon en sciences sociales.