KHWARIZMI (780-850)

Vers 780, Khwarizmi naquit dans la région du Khwaresm dans l’actuel Iran. En 813, le calife Ma’mun fonde la Maison de la Sagesse où Khwarizmi travaillera toute sa vie. Il commence à écrire son algèbre vers 820 et son œuvre la plus aboutie concerne l’utilisation du système de numération positionnel tel que nous l’utilisons aujourd’hui. D’origine indienne, les nouveaux nombres remplacèrent les systèmes grec et romain et même le système alphanumérique arabe.

Dans son travail quotidien de traducteur à la Maison de la Sagesse (Iran), Khwarizmi tombe un jour sur un livre Indien, un traité de mathématique qui contenait quelque chose dont il ignorait totalement l’existence, la possibilité d’écrire les NOMBRES en se servant uniquement de nouveaux symboles. C’est l’histoire des nombres, l’art de compter avec toujours plus d’aisance pour développer des systèmes mathématiques complexes qui sont utilisés par les sciences pour en vérifier des faits expérimentaux.

La transmission des nombres indo-arabo-persans

Khwarizmi est à l’origine de grandes connaissances transmises de l’Est vers l’Ouest, par son travail, sa rigueur et sa vision éclairée, il décortique, transmet et approfondi le système décimal indien, la résolution géométrique (Euclide) des équations quadratiques qui donna naissance à l’Algèbre, la Géographie (en 833, Khwarizmi termine la révision de l’Almageste de Ptolémée) en évinçant les modèles géométriques d’Hipparque de Rhodes, en les remplaçant par les découvertes des astronomes indiens arrivées à Bagdad (fonctions trigonométriques). Khwarizmi est à la base de la notion d’algorithme en informatique qui lui rend hommage.

  • ENTRE NOMBRES ET OBJETS
  • INDE : BRAHMAGUPTA (598-669)
  • LA SCIENCE ARABO-PERSANE
  • IRAN : KHWARIZMI (780-850)
  • En 952, Uqlidisi (Damas ou Bagdad) élargit le système positionnel en base 10 aux décimales du nombre.
  • ESPAGNE, Aragon : Le moine Vigila (monastère Saint-Martin de Albeda) rédige en 976 le Codex Vigilianus qui contient la première représentation latine des chiffres indo-arabo-persans.
  • FRANCE : Gerbert d’Aurillac (futur pape Sylvestre II) écrit vers 980 Regulae de numerorum abaci rationibus, dans lequel il présente un exemple d’baque utilisant les chiffres indo-arabes.
  • LES PREMIÈRES CONNAISSANCES OCCIDENTALES (1000-1500)
  • Vers 1000 (Cordoue) : Maslama Majriti né à Madrid en 950 écrit une recension du Sindhind de Khwarizmi.
  • Vers 1080 (Tolède) le cadi Saïd constitue un groupe d’astronomes (Azarquiel…) qui composent les tables de Tolède, une copie de certaines tables du Sindhind.
  • En 1116, Pedro Alfonso traduit le Sindhind.
  • ITALIE : En 1138, on frappe les premières monnaies de l’histoire avec des chiffres indo-arabes.
  • En 1145, Robert de Chester traduit le traité d’Algèbre de Khwarizmi à Ségovie puis Gérard de Crémone le traduit à Tolède.
  • En 1202, Fibonacci écrit son Liber abaci le livre des abaques et popularise les chiffres indo-arabes, le système de position et l’algèbre.
  • Vers 1230, Alexandre de Villedieu écrit le Carmen de algorismo et Johannes de Sacrobosco l’Algorismus vulgris.
  • 1263-1272 : Compilation des Tables alphonsines (Alphonse X le Sage) qui se substituent aux Tables de Tolède dans toute l’Europe médiévale.

Le système de numération indien

Khwarizmi commence son traité d’arithmétique en annonçant qu’il allait « exposer la façon de calculer des Indiens grâce à neuf caractères et montrer comment, grâce à sa simplicité et à sa concision, ces figures parviennent à exprimer tous les nombres ».

Les mathématiciens indiens aimaient jouer avec les nombres qu’ils maitrisaient parfaitement. Le zéro était d’usage commun dès le IXe siècle et on peut remonter jusqu’au VIe siècle avec Jinabhadra Gani qui exprima le nombre 224.400.000.000 comme « 2, 2, 4, 4 et 8 zéros ». L’utilisation du système positionnel ne se limitait pas au domaine des maths mais s’immisçait aussi dans le quotidien bien avant le VIe siècle puisqu’on a gardé un document de donation du gouverneur Dadda III de la région Gujarat datée de 346 de l’ère Chhedi (594 de notre ère) écrit en chiffres positionnels autochtones. C’est la simplification de l’écriture des grands nombres qui incite l’Inde à inventer un système positionnel de l’écriture des nombres.

Pour comprendre les nombres dans la tradition indienne, il faut prendre des exemples. Vers 850, Mahavira manifeste l’intérêt pour les formes et les propriétés numériques lorsqu’il relate :

Écris le nombre 142.857.143 et multiplie le par 7, c’est le collier royal (1.000.000.001) . De même, multiplie 37.037.037 par 3 (ce qui donne 111.111.111) en multipliant à nouveau ce produit pour obtenir des multiples du même avec un 1 comme premier chiffre et un 9 comme dernier . Les chiffres 1, 5, 2, 2, 0 et 7 s’écrivent en partant des unités. Alors ce nombre multiplié par 73 pourra aussi être appelé collier (11.111.111).

Ganita-Sara-Sangraha du jaïniste Mahavira

Mahavira se réfère aussi au nombre 12.345.654.321 comme la quantité « qui commence par un 1 et se termine par un 6, puis diminue graduellement ». Il faut comprendre (par analogie) la musique vibratoire des nombres et la compréhension que l’on peut extraire de certaines suites numériques…

Cette gymnastique numérique permet de cerner la structure des symboles de 0 à 9 pour former les « 10 chiffres » et l’écriture de toute quantité (nombre) dans un système décimal de position (Inde). Pour bien comprendre le système de position, je dis cela pour les enseignants de cours élémentaires, l’écriture de Khwarizmi se fait de DROITE à GAUCHE pour positionner les « chiffres » des unités, des dizaines, des centaines, des milliers en position 4… De nos jours, plusieurs « bases mathématiques » se côtoient pour exprimer les nombres dans notre quotidien :

  • la base 10 (base décimale) pour compter
  • la base 60 (base sexagésimale) pour lire l’heure
  • la base 2 (base binaire) pour contrôler nos systèmes informatiques
  • la base 16 (base hexadécimale – 10 symboles numériques avec 6 lettres alphabétiques) pour le codage informatique des nombres « trop longs » en écriture binaire.

L’écriture décimale

C’est Uqlidisi à Damas en 952 qui explique (avant l’arithmétique indienne et les mathématiciens musulmans) les avantages du système décimal pour diviser un nombre de moitié. La virgule signale la position et la quantité de moitié est directement lié dans l’écriture numérique 9,5 au lieu de 9+1/2 :

Dans le principe des nombres que nous avons présenté, la moitié d’une unité dans quelque poisition que ce soit s’écrit comme 5 devant lui (de la droite vers la gauche en arabe). Par conséquent si nous divisons par la moitié un nombre impair, nous placerons la moitié comme un 5 devant lui, et la position des unités sera marquée par le signe ‘poser sur elle’ pour signaler sa place. La position des unités devient celles des dizaines du fait qu’elle se trouve devant elle. Par exemple, nous voulons diviser 19 par la moitié. Nous disons, une moitié de 9 est quatre et demi. Nous posons la moitié comme un 5 devant le 4, puis nous divisons le 1 de moitié. Nous marquons la position des unités. Nous obtenons 9,5

Première utilisation historique des décimales – Uqlidisi, 952

Le traité De Numero Indorum de Khwarizmi

La tradition historique arabo-persanne considère que le médecin indien Kanka fut nommé ambassadeur à la cour de Mansûr et vint à Bagdad muni de divers manuels indiens dont un ouvrage sur le système positionnel de numérisation. Pour rédiger son Livre de l’addition et de la soustraction, Khwarizmi utilise la première traduction en arabe (par Muhammad Fazari) de manuels indiens. Cet ouvrage de Khwarizmi est décisif pour l’histoire des mathématiques, il y a plusieurs éditions arabes écrites peu après et différentes traductions latines médiévales qui furent ensuite rédigées en Europe :

  • Abbas ibn Firnas (mort en 887) l’apporta à la cour d’Abd Rahman II à Cordoue et le fit circuler en Andalousie
  • Première traduction latine attribuée à Adélard de Bath (vers 1080-1150) mais aussi à Jean de Séville (actif vers 1135) portant le titre de Algirismi de numero Indorum.
  • Il y a également les traducteurs juifs et actifs dans la péninsule ibérique au XIIIe siècle comme Moshé Sefardi (vers 1062-1140), natif de Huesca, le Navarrais Abraham ibn Ezra (vers 1089-1167) ou le Cordouan Abraham ibn Daud (vers 1110-1180).
  • La bibliothèque de Cambridge conserve une copie du XIIIe siècle d’une autre traduction latine qui n’est pas terminée et qui contient de nombreuses erreurs. Ce nouveau Algorismi de numero Indorum fut édité et publié par l’Italien Baldassare Boncompagni (1821-1894) en 1854 avec le titre Liber algorismi de practica arismetrice.

Un autre traité sur le système positionnel de numération était Principes du calcul indien de Kushyar ibn Labban (971-1029) qui devint un manuel incontournable dans le monde arabo-persan. Kushyar présente les 9 chiffres indiens et le « zéro comme symbole 0 » qu’il faut inscrire quand il n’y a pas de chiffre, il y avait un « espace ». Khwarizmi ne l’avait pas dit explicitement, il utilisait le mot sifr (zephirum pour Fibonacci) qui signifie « vide » et qui provient de la traduction du mot indien sunya.

ŚUNYA (sanskrit). L’illusion, dans le sens que toute existence n’est que fantôme, rêve ou ombre.

Glossaire Théosophique, H.P. Blavatski

Le Liber abacci de Fibonacci

L’usage intensif des chiffres indo-arabo-persans s’expérimente en premier dans les marchés et les commerces grâce à Fibonacci et son Liber abacci (publié en 1202 et réécrit en 1228).

Léonardo Fibonacci (fils de nacci) dit Léonardo de Pise (1080-1250) passa son enfance à Bougie (Bejaïa), sur la côte algérienne où de nombreux maîtres andalous s’étaient réfugiés après la croisade chrétienne dans la péninsule Ibérique. Fils d’un riche marchands de Pise, c’est là qu’il apprend le nouveau système de numération. Après avoir traversé l’Egypte, la Syrie, la Grèce, la Sicile et la Provence, Fibonacci se pose dans sa Pise natale où il rédigea une introduction aux chiffres indo-arabo-persans.

Le mot zephirum s’est maintenu parmi les mathématiciens italiens de la Renaissance et il est devenu zefiro, zeuero, zefro et finalement zéro à travers le dialecte vénitien au milieu du XIVe siècle. D’autre part, le même mot zephirum issu de sifr s’est transformé en sifra ou cyfra dans les manuscrits latins du XIIIe siècle qui, après, passa dans différentes langues comme chiffre en français, cipher en anglais, ziffer en allemand ou cifra en castillan…

Dans le Liber abacci, Fibonacci produisit une longue série d’exemples de résolutions de problèmes qui intéressaient les commerçants, marchants, banquiers… En les libérant des chiffres romains, le nouveau système allait beaucoup leur faciliter la vie quotidienne. Fibonacci explique aussi les algorithmes (de Khwarizmi) des opérations de base, et composées, il calculait avec fractions et résolutions d’équations, et tout cela en utilisant les nouveaux nombres importés du nord de l’Afrique.